Le dernier film de Marie-Monique Robin « Qu’est-ce qu’on attend ? » nous raconte l’histoire d’une petite ville française championne de la transition – c’est Rob Hopkins, le fondateur du mouvement des villes en transition, qui le dit !
Le documentaire débute par un message des habitants qui posent une question simple : « Notre village est en transition. Pourquoi ? Parce qu’on n’a plus le temps d’attendre ! D’ailleurs, qu’est-ce qu’on attend ? » Pour s’affranchir de la dépendance au pétrole, basculer vers une agriculture respectueuse, pour développer les énergies renouvelables et protéger durablement le climat ?
Bienvenue en Alsace, à Ungersheim, petite bourgade de 2200 habitants, qui a testé et mis en place moult alternatives qui permettent aux habitants de se nourrir, de se chauffer, de s’éclairer, de se déplacer en réduisant fortement leurs émissions de CO2. La commune a lancé en 2009 un programme de démocratie participative, baptisé 21 actions pour le 21ème siècle visant l’autonomie sous toutes ses formes et qui englobe tous les aspects de la vie quotidienne.
Pour relocaliser la production maraichère, la commune d’Ungersheim a acheté un terrain de huit hectares, pour le louer à l’association Icare, membre du Réseau national des Jardins de Cocagne. En sont issus Les Jardins du Trèfle Rouge, une ferme maraîchère bio qui emploie une trentaine de salariés, dont vingt-cinq personnes en contrat de réinsertion. Toutes les semaines, ils fournissent 200 paniers aux habitants et alimentent la cuisine collective municipale, qui prépare chaque jour plus de 500 repas (entièrement bio) pour la cantine d’Ungersheim mais également pour celles de cinq communes avoisinantes.
La municipalité a également créé une Régie agricole dont elle a confié la direction à un ex-jeune vétérinaire reconverti dans la permaculture et le maraîchage. Les Jardins du Trèfle Rouge et la Régie agricole constituent les piliers de la filière « De la graine à l’assiette », complétée par une Conserverie municipale qui transforme les fruits et légumes déclassés.
La commune a bien sûr banni l’utilisation de pesticides. Depuis 2006, les techniciens municipaux n’utilisent plus aucun pesticide ou engrais chimique pour l’entretien des espaces verts.
Ungersheim est à l’origine de la plus grande centrale photovoltaïque d’Alsace, installée sur une friche industrielle de quatre hectares. D’une capacité de 5,3 mégawatts, la centrale fournit aujourd’hui de l’électricité (hors chauffage) pour 10 000 habitants.
La piscine municipale est dotée de panneaux photovoltaïques et, comme sept autres bâtiments municipaux, elle est reliée à un réseau de chauffage au bois alimenté par des plaquettes qui proviennent en partie de l’élagage de la forêt communale.
Récemment, une éolienne Piggott d’une capacité de 2000 Watts a été installée pour alimenter les Jardins du Trèfle Rouge et la Maison des Natures et des Cultures, le dernier grand chantier de la commune. L’éolienne a été fabriquée en collaboration avec l’association Tripalium, qui apprend à ceux qui le désirent comment fabriquer soi-même une éolienne domestique (présentée dans ce sujet, en février 2014).
L’éclairage public de la commune est alimenté par des ampoules LED. La consommation d’énergie a ainsi baissé de 40 %. En 2015, Ungersheim a développé un partenariat avec Jugend Solar, un projet développé par Greenpeace Suisse qui associe des jeunes scolaires à l’établissement du cadastre solaire des communes. Celui-ci consiste à mesurer le potentiel solaire de chaque toit, en tenant compte de l’exposition et de la surface disponible. En Suisse, 12 000 jeunes ont déjà été mobilisés. Si tous les toits mesurés étaient équipés de panneaux solaires, la Suisse pourrait fermer trois centrales nucléaires.
Dans le film, on verra que la commune développe également un projet d’éco-hameau avec la construction de plusieurs maisons isolées en paille, une maison communale des peuples autonome…
Ce film est la suite de « sacrée croissance » ? Pouvez-vous en dire plus ?
« J’ai réalisé un film intitulé Sacrée croissance ! qui a été diffusé sur ARTE en novembre 2014. Ce documentaire, qui était accompagné d’un livre éponyme, questionnait le dogme de la croissance économique illimitée, dans un monde aux ressources limitées, et montrait des alternatives abouties dans le domaine de l’agriculture urbaine (Toronto/ Canada, et Rosario/Argentine), la transition énergétique (Népal et Danemark), les monnaies locales (Fortaleza/ Brésil et Allemagne). Il se terminait au Bhoutan, au pays du « Bonheur National Brut ». Ces initiatives montraient la voie vers une société plus durable, plus juste et plus solidaire, que certains experts appellent la « société post-croissance » ou « post-carbone ». »
Comment avez-vous choisi cette petite ville alsacienne ?
« Après la diffusion de Sacrée croissance! sur ARTE, j’ai entamé une tournée pour présenter le film dans des cinémas. C’est ainsi que je l’ai présenté à Thann, dans le Haut Rhin, devant 300 personnes. A la fin de la projection, un homme s’est avancé et m’a dit que tout ce que préconisait le film était déjà réalisé dans sa commune! J’étais un peu vexée! J’avais fait le tour du monde pour montrer de belles initiatives post-carbone et j’en avais raté une en France! L’homme s’appelait Jean-Claude Mensch et il est le maire de Ungersheim depuis 1989. Avec son équipe municipale, il mène un programme de transition absolument unique. Ce programme s’appuie sur trois piliers : l’autonomie intellectuelle (démocratie participative), l’autonomie alimentaire et énergétique. D’après Rob Hopkins, le fondateur du mouvement des villes en transition, qui est venu à Ungersheim et que j’ai filmé, ce village constitue l’exemple le plus abouti de transition dans le monde. »
Comment ce projet a t-il été lancé ? Quand le tournage a t-il débuté ?
« En février 2015, j’ai effectué un repérage à Ungersheim, puis avec David Charrasse, mon producteur, nous avons décidé de réaliser d’abord un documentaire de 52 minutes pour la télé, intitulé « Sacré village ! » qui a été diffusé sur France 3 et Ushuaïa TV. J’ai tourné de mai 2015 à février 2016. Très vite, j’ai compris que cette histoire était exceptionnelle et j’ai eu envie de réaliser un long métrage pour le cinéma, car je voulais que les gens se déplacent dans une salle pour venir voir le film avec d’autres, afin de créer une dynamique collective. »
A t-il été produit de façon citoyenne comme les autres ?
« Pour réaliser le 52 minutes, nous avons lancé une souscription qui a permis de couvrir environ 20% du budget du documentaire. Mais pour réaliser le long métrage, j’ai tourné de nouvelles séquences et j’ai totalement remonté. La production de « Qu’est ce qu’on attend ? » est essentiellement de l’autofinancement. »
En tant que citoyenne, quelle mesure, parmi les 21 expérimentées à Ungersheim, vous semblerait la plus urgente à mettre en place ailleurs ? Et celle qui serait la plus simple à dupliquer ?
« Parmi les 21 actions, mises en place par la mairie de Ungersheim, il en est une qui est à la portée de n’importe quel territoire rural ou urbain : promouvoir la production et la consommation d’aliments biologiques locaux. Je rappelle que l’autonomie alimentaire des villes est aujourd’hui de deux jours. Cela veut dire que nous dépendons du pétrole pour nous nourrir ! De plus, on estime qu’en Europe un aliment acheté dans un supermarché parcourt en moyenne 3000 kilomètres entre son lieu de production et l’assiette du consommation. À l’heure du réchauffement climatique, c’est une aberration! Enfin, dès qu’on encourage la production locale d’aliments, on crée des emplois pérennes et indélocalisables, car nous avons tous besoin de manger trois fois par jour. Alors, qu’est ce qu’on attend ?!! »
Interview menée en octobre 2016 par Nathalie Boisseau, pour le site Esprit Cabane.
Le DVD Qu’est-ce qu’on attend ? est sorti en octobre 2018 !
La page facebook du film Qu’est-ce qu’on attend ? sorti en novembre 2016 : facebook.com/QUEQA
Le blog de Marie-Monique Robin sur le site d’arte : arte.tv
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Geneviève Gallot
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